Suisse mais n'avale pas

Plaidoyer pour les jeunes au pays du secret bancaire.

Le championnat suisse est souvent déconsidéré par les français. Pourtant, Barthez se souvient douloureusement d’un certain Alex Frei, d’autres auront remarqué que Sonny Anderson avait fait ses classes européennes au Servette, et peut-être même que certains se souviennent que j’avais parlé, sur le fil suisse de feu-FM.net, de Kader Mangane deux ans avant que Guy Roux ne le ramène en L1. Les recruteurs italiens et encore plus les allemands ont remarqué que la Super League était un vivier intéressant de jeunes joueurs. Il s’agit évidemment d’éviter le joueur de 28 ou 29 ans ayant fait toute sa carrière en Suisse, d’autant plus si il est un finisseur de surface appréciant le jeu court alors que l’équipe est taillée pour jouer le contre. Autrement dit, il n’est pas interdit à Anigo d’essayer un jour de comprendre quelque chose au foot avant de signer un joueur.

De cinq à dix joueurs formés et/ou révélés en Helvétie la quittent chaque été pour des championnats plus relevés. Il y a des échecs (Margairaz récemment en Espagne) mais une bonne part s’impose comme des joueurs de qualités recrutés à des tarifs bien moindres que pour des joueurs équivalents de nations plus huppées. Inler à l’Udinese, Rakitic à Schalke, Kuzmanovic à la Fio, Petric à Dortmund puis à Hambourg, Behrami, Lichsteiner ou Barnetta à Leverkusen, sont quelques exemples récents.

Si le « pillage » de ces dernières années a asséché le réservoir helvète, trois joueurs exilés cette année me paraissent avoir le potentiel de percer. A savoir le jeune et costaud pivot et buteur Derdiyok (Leverkusen), Abdi, en partance pour l’Udinese, comme huit très offensif, et peut-être le jeune et explosif attaquant argentin Bobadilla recruté par Mönchengladbach au GC. Le feu-follet ivoirien Doumbia pourrait aussi en être si YB le lâche…

En somme, quiconque regarde le championnat suisse sans complexe de supériorité depuis quelques années aura reconnu que la formation et la post-formation y est relativement efficace. Tout ceci pour justifier un « scout report » sur une vingtaine de jeunes m’ayant tapé dans l’œil qui pourraient (avec plus ou moins de probabilité) rejoindre honorablement de bons championnats, pour certains d’ici une saison, pour d’autres éventuellement à un peu plus long terme…

Petit tour à travers les 10 clubs de Super League.

La technique de l'appel du trou de Bâle pour échapper à la défense.

Au FC Sion, CONstantin privilégie les recrues CONfirmées, voire vieillissantes. Cependant, le milieu récupérateur ivoirien Serey Dié est, à 24 ans, tout proche d’avoir le niveau pour un club moyen de L1. Sa valeur athlétique en fait un milieu défensif actif et tenace comme l’Afrique en sort régulièrement. Ses relances propres orientent bien le jeu sans être d’une créativité foudroyante. Il sera temps pour lui de partir l’an prochain si il ne veut pas « s’encroûter » dans la Super League à l’instar de Yapi.

Pour ces débuts à ce niveau, l’ailier gauche français formé au Servette, Abdou Karim Yoda s’est montré culotté, vif dans ses dribbles et très rapide. Il manque encore clairement de culture tactique et, pour le dire de manière générale, d’expérience. Mais, même si il est encore loin d’être intronisé Jedi, il a un « quelque chose » qui en fait un joueur à suivre.

Mouss Dabo a brillé deux saisons au niveau inférieur en scorant un peu moins d’un but tous les deux matchs. A 23 ans, ce sénégalais rapide et plutôt puissant va devoir franchir un pallier pour s’imposer dans un secteur en sureffectif de stars déclinantes à Sion. Pas gagné, mais si il sait devenir plus efficace, ses qualités athlétiques pourraient en faire un buteur redoutable. Ça reste assez incertain.

Aucun jeune du FC Lucerne ne m’a interpellé par son talent. Peut-être faut-il garder un œil sur l’ex-prodige Chiumento, qui tente de relancer sa carrière à 24 ans après s’être perdu en Italie trop tôt…

Le FC Zurich a un jeu offensif très agréable à regarder jouer, et qui a su être efficace ces dernières années. Avec bien moins de moyens financiers que son homologue bâlois, le coach B. Challandes (ex-sélectionneur des espoirs nationaux) s’appuie sur de nombreux jeunes. Abdi a été la révélation la saison dernière.

Chikhaoui avait été celle de la précédente avant qu’une blessure mal soignée à la CAN ne le mette sur le flanc jusqu’à maintenant. J’espère de tout cœur que ce tunisien absolument génial puisse revenir en pleine possession de ses moyens. Si c’était le cas, sa technique ahurissante, son impact physique et sa créativité le mèneront très probablement au très haut niveau. A 22 ans, il n’est pas trop tard pour que le milieu offensif se relance cette saison.

L’ailier (droit plutôt) de 19 ans Adrian Nikci est très rapide, généreux dans ses efforts et pas maladroit. Déjà sélectionné en M21 suisse, peu de doute qu’il va être suivi...

A 19 ans, Marco Schönbächler compte déjà trois saisons, à 15-20 matchs chacune, en Super League. Sa rapidité lui permet d’apparaître en pointe comme contre-attaquant parfois, mais son petit gabarit vif, sa qualité de dribble et sa technique en font surtout un ailier. Même si il semble avoir marqué un peu le pas la saison dernière, il est probable qu’on le retrouve à un niveau supérieur d’ici deux ou trois ans.

L’international suédois (6 sel.) Dušan Djuric est un milieu gauche déjà confirmé à 24 ans. Auteur de 10 buts et autant de passes décisives en 45 matchs sur deux saisons, il pourrait être un bon renfort pour un club moyen de L1 cherchant un faux-ailier travailleurs, assez créatif et au bon coup de patte.

A 22 ans, le serbe Milan Gajic pourrait devenir un latéral gauche solide et non dénué de qualité offensive. Il devra améliorer son placement défensif et travailler sa tonicité pour envisager un niveau plus relevé.

Je vais me limiter à rappeler que Johan Vonlanthen n’a que 23 ans et ne devrait pas être enterré trop vite malgré son échec au Red Bull.


Le FC Bâle est le seul club suisse a avoir des moyens financiers comparables aux clubs moyens de L1. Cela ne l’empêche pas de sortir de temps en temps des jeunes, même si c’est rare. Valentin Stocker est probablement le jeune rhénan le plus intéressant. Milieu axial gaucher de 20 ans, il a déjà une dizaine de buts et autant de passes décisives à son actif en deux saisons et un peu plus d’une quarantaine de match. Avec trois sélections et un but avec la Nati, il est sur la liste de ces nombreux jeunes milieux briguant une place de huit dans l’équipe nationale. Il évolue aussi parfois en faux-ailier sur la gauche. Il pourrait d’ors et déjà viser un club moyen de L1, et peut espérer mieux à l’avenir.

Les supporters d’YB n’ont pas tardé, dès sa première saison, à composer un chant à l’honneur du « lord » Seydou Doumbia. L’ivoirien de 21 ans, passé par deux saisons au Japon auparavant, a affolé les stats d’efficacité en jouant à merveille le rôle de supersub. Sa vivacité, sa vitesse, ses dribbles ainsi que son adresse, sa bonne technique et un grand sens pour se retrouver au bon endroit au bon moment font que ce sont les recruteurs qui s’affolent actuellement sur le phénomène. Pour l’instant le club bernois est resté inflexible aux sollicitations, notamment de Sté, et peut-être que Doumbia va connaître une seconde saison dans la capitale fédérale.

Du même age, son compatriote milieu défensif Thierry Doubaï est bien moins médiatisé. Faute à une sale blessure (déchirement des croisés du genou gauche) qui lui a fait connaître une dernière saison blanche. A espérer que le joueur récupère ses moyens et se relance cette année car sa saison précédente était très prometteuse dans son rôle de vigie du milieu.

Dans le club suisse favori de Frido, la révélation de ce début de saison est un attaquant de 19 ans au profil étonnamment ressemblant à Gameiro. Avec son gabarit de poche, Mario Gavranovic dynamite les défenses par sa vivacité, son sens de l’appel de balle et son adresse. A voir s'il confirme dans le temps, mais ses premières sorties sont enthousiasmantes.

Toujours au Xamax, Ibrahim Niassé est un milieu défensif qui ne devrait pas laisser les recruteurs insensibles. A 21 ans et du haut de son mètre 88, le joueur neuchâtelois ramasse tout ce qui traîne aux 30 mètres. Si on y ajoute que le sénégalais, contrairement à d’autres joueurs au même profil, sait faire des passes et détient une bonne frappe, il y a peu de doute qu’il joue probablement sa dernière saison en Suisse.

A Bellinzona, seule équipe tessinoise de l’élite helvète, Shkelzen Gashi a la réputation d’être un bon espoir au milieu de terrain. Je dois avouer ne pas avoir eu souvent l’occasion de voir cette équipe…

Jonas Elmer avait défrayé la chronique locale lorsqu’il était parti à 17 ans à Chelsea. Revenu deux ans après à Aarau, il est depuis deux saisons titulaire en latéral gauche. A 21 ans, il possède certainement une bonne marge de progression. Un joueur à suivre sur les 2 ou 3 ans qui viennent.


Le costaud point d'appui de l'attaque neuchateloise est un nigérian de 20 ans. Ideleye Brown pèse assurément sur les défenses. Capable de mettre un skud en pleine lucarne des 25 mètres, il lui arrive aussi de ne pas réussir à pousser le ballon au fond de cages désertées à 2 mètres... Il doit gagner en constance, mais son impact athlétique en fait un joueur capable de s'exporter sous peu. (à suivre)

Chez les sauterelles, deux ailiers de 24 ans montrent quelques qualités à faire mûrir rapidement. Davide Callà, vif et technique, et le rapide et percutant argentin Gonzalo Zàrate. Tous deux arrivent à un âge où ils devront franchir un cap, notamment en terme de régularité et d’influence dans le jeu, pour intéresser des clubs d’un championnat plus relevé. A noter que l’attaquant de 17 ans Nassim Ben Khalifa, n’a eu besoin que de jouer 8mn en fin de match pour inscrire son premier but en Super League avec GC. Un peu court pour vraiment le juger…

En résumé :
A ne pas quitter des yeux : Doumbia, Chikhaoui, Niassé, Stocker, (Abdi si il ne part pas cet été).

A suivre attentivement : Gavranovic, Doubaï, Nikci, Schönbächler, Gashi, Dié.

Peut-être que… si… : Elmer, Chiumento, Gajic, Djuric, Vonlanthen, Callà, Zàrate, Dabo, Yoda.

Gus.